Ils étaient 19 à vouloir découvrir l'hiver russe et même l'hiver sibérien... Organisé par Eurcasia, dont les adhérents connaissent les rigueurs des hivers en montagnes, le voyage a attiré aussi des courageux venus du doux pays de Touraine et même du midi.
Article de Philippe Guichardaz
Moscou, Irkoutsk, le Baïkal gelé... et plus, parce qu'affinités
Faut-il y voir un signe? En tout cas l'école est le bâtiment le plus important de Khoujir. Mais il y a dans ce village (qui n'a l'électricité que depuis 2 ans) un autre lieu de culture, c'est l'auberge de Nikita Bencharov, ancien champion de Russie de ping-pong, créateur de la première structure d'accueil sur l'île. Nikita a mis gracieusement à disposition une salle de son auberge pour en faire le Centre de culture et de langue française d'Olkhon (photo 1). Ce centre est animé par notre amie Tatiana Golobokova.
Sous la conduite de Tatiana, nous avons visité cet étonnant lieu de diffusion de notre culture et de notre langue perdu au milieu du Baïkal et Eurcasia a remis à son animatrice un ordinateur portable destiné à la fois à faciliter les échanges entre élèves et à servir de support pour la diffusion de films et chansons français. Bibliothèque française, l'auberge est devenue, un soir, salle de concert, avec un récital de piano, donné par André Chaguine, soliste de l'orchestre symphonique d'Irkoutsk, dans le réfectoire (photo 7). André Chaguine avait fait le déplacement depuis Irkoutsk (à 300 kms), avec un ami accordeur (qui s'est battu une journée entière avec l'improbable piano de l'auberge) en remerciement pour l'accueil qu'il avait reçu un an auparavant à Thonon-les-Bains et Annecy. Concert de musique classique, mais qui, après le dîner - tradition de l'auberge oblige - s'est transformé en concert de musique folk avec le renfort du mari de Tatiana, Victor - chant et guitare - et d'Olga dont le talent de chanteuse égale celui de masseuse.
Et le Baïkal gelé? Vouloir refléter les impressions ressenties par les 19 serait vaine entreprise. Je ne peux que suggérer... d'aller. Les 300 kms en aéro-glisseur, jusqu'à l'île d'Olkhon, une randonnée en 4x4 jusqu'à l'extrémité nord de l'île, le cap Khoboï, la traversée de la «petite mer», qui sépare Olkhon du «continent», en bus, par la route soigneusement balisée ont conduit à l'abandon de quelques idées reçues qui voudraient qu'un lac gelé soit une surface lisse, uniforme, où l'on progresse facilement. Quant à la pêche - qui n'a pas vu des images de pêcheurs devant leur trou - 19 voyageurs de l'hiver sibérien sont désormais convaincus qu'elle exige beaucoup de patience.
Un voyage original, à plus d'un titre.
Non pas tellement par les sites visités, encore que... A Moscou, la Place Rouge et le Kremlin, le Goum, le nouveau centre commercial - symbole de la Russie post soviétique - de la place du Manège, le Monastère de Novodie-vitché, l'ensemble monumen- tal de Kolomenskoe... les grands classiques, en somme. Mais aussi, beaucoup moins connus, la superbe maison-musée Gorki, chef-d'oeuvre, intact, de l'Art Nouveau et l'étonnant musée Maïakovsky, conçu comme une simple spirale entraînant le visiteur dans l'univers du poète. A Irkoutsk, les principaux monuments, le musée des Décembristes et, dans les environs, le musée de l'architecture en bois de Taltsy, qui reconstitue, en grande partie avec des éléments authentiques qui ont transportés sur les bords de l'Angara, un village cosaque du XIXe siècle. Mais aussi la visite de l'atelier de cet éternel jeune homme de 81 ans qu'est Evgueny Ouchakov, mosaïste d'un genre particulier, très sibérien, puisque les matériaux qu'il assemble sont des écorces de bouleaux dont il utilise la grande variété de couleur pour réaliser des compositions inspirées de l'histoire et des paysages sibériens.
Original, le voyage, le fut d'abord par le choix des dates, au coeur de l'hiver russe... du 10 au 21 février. Et les 19 ont pu vérifier que le réchauffement climatique, global, n'exclut pas la possibilité de périodes froides, bien froides. Pendant trois jours, à Irkoutsk et sur le Baïkal, le thermomètre a affiché, sous un soleil radieux, des températures oscillant entre -35° et -39°. Rien d'exceptionnel, du reste. Les participants avaient été avertis et des conseils précis avaient été donnés quant à l'équipement : vêtements, chaussures, moufles et même crème de visage non hydratante! Conseils suivis : aucun processus de congélation n'a été observé dans le groupe.
L'originalité est aussi dans la «fabrication» de ce voyage. Si les billets d'avion ont été classiquement achetés dans une agence de voyages en France, pour tout le reste: itinéraire, choix des visites, programme d'activités, rencontres, Eurcasia s'est adressée à une jeune agence d'Irkoutsk dont elle avait pu apprécier les services dans un précédent voyage estival, «Baïkal voyages», dirigée par Irina Mouzyka, qui nous avait été recommandée par Snéjana, notre correspondante à Irkoutsk. Et, c'est un voyage «sur mesures», fruit d'une réelle concertation, attestant de l'écoute attentive de nos demandes, que cette amoureuse de la Sibérie a monté. Avec un sens de l'organisation alliant rigueur et gentillesse, qualités utiles pour gérer un groupe de français, dispersés, à Irkoutsk, dans des familles d'accueil réparties dans une ville fort étendue (l'espace n'est pas chose rare en Sibérie). Parti avait été pris en effet d'un logement chez l'habitant pour le séjour irkoutien.
Et ce fut une autre simplicité de ce voyage, les rencontres. Rencontres avec la population, grâce au logement dans les familles, mais aussi rencontres avec des partenaires d'Eurcasia. Ainsi, à Irkourtsk, notre amie Geneviève a pu dialoguer avec les élèves et professeurs du Gymnase n°3 impliqués dans un travail commun sur la protection de la ressource en eau.
Ce fut ainsi la cas sur l'île d'Olkhon, au milieu du Baïkal. Cette île, de taille et de forme proches du Léman, peuplée d'à peine 1500 habitants, est en passe de devenir une destination que certains qualifieraient de «tendance». Pour l'heure des élèves de l'école de son chef lieu, Koujir (1200 habitants) ont commencé une corres-pondance avec l'école d'Allinges. Bien que ce fût la période des vacances d'hiver un groupe d'écoliers a offert, dans une salle de théâtre grand style années cinquante, un spectacle musical à notre groupe, lequel était porteur de la correspondance en provenance d'Allinges.