Baïkal, patrimoine de l'humanité
Le Baïkal a été inscrit sur la liste du Patrimoine de l'humanité le 7 décembre 1996 parce qu'exemple le plus exceptionnel d'écosystème d'eau douce. (…) plus vieux et plus profond lac du monde qui contient environ 20% des réserves d'eau douce courante. Le lac contient une variété remarquable de flore et de faune endémique, d'exceptionnelle valeur pour les sciences de l'évolution".
Exceptionnel, le Baïkal l'est en effet à plus d'un titre
La plus grande réserve d'eau douce, le plus profond et le plus ancien lac du monde.
Le Baïkal contient 23 000 km³, soit plus que la mer Baltique (21 000 km³). Ce record s'explique par ses dimensions : 636 km de longueur, 79,4 km de largeur maximale et surtout une profondeur de 1 637 m, le record mondial. Un rapprochement avec le Léman, plus grand lac d'Europe occidentale, est éloquent. À lui seul le Baïkal représente 20 % des ressources en eau douce non gelée de la terre. Pour remplir sa cuvette, en y faisant s'y déverser l'eau de tous les cours d'eau de la planète, 300 jours seraient nécessaires.
Le Baïkal détient aussi le record d'ancienneté. Il s'est formé à l'ère tertiaire, voici 25 millions d'années alors que les lacs alpins sont nés à la fin de la dernière période glaciaire, il y a 15 000 ans. Ces records ont une explication commune : le Baïkal est un lac de rift.
Le Baïkal et le Léman
à la même échelle.
© Laurent Touchart,
Le Lac Baïkal,
Ed. Harmattan
Le Baïkal, un lac de rift
Le Baïkal n'est pas d'origine glaciaire, comme les lacs alpins, mais d'origine tectonique, c'est-à-dire que sa formation est liée au mouvement des plaques qui constituent l'écorce terrestre. Il s'est installé dans le fossé naturel formé par l'écartement de la plaque eurasiatique et de celle de l'Amour de part et d'autre de la grande faille qui les sépare.
Loin d'être en voie de disparition, le Baïkal est peut-être un océan en formation.
À la différence de la plupart des lacs, en cours de comblement par les matériaux apportés par les rivières, le ruissellement, les éboulements par la sismicité qui affecte sa cuvette, le Baïkal est de plus en plus profond. L'explication : le rift dans lequel il s'est installé est toujours actif comme en témoigne la sismicité de faible intensité mais permanente de la région. Les sédiments accumulés depuis 25 million d'années atteignent une épaisseur de 7 km mais le lac continue de s'approfondir d'environ deux centimètres par an. Il s'élargit aussi conduisant de nombreux spécialistes à émettre l'hypothèse qu'il serait un océan en formation.
Subduction
Collision intercontinentale
avec chevauchement
Mouvement relatif
des plaques
Carte simplifiée de la tectoniques des plaques en Asie Orientale
© Laurent Touchart, Le Lac Baïkal, Ed. Harmattan
Une richesse exceptionnelle en espèces endémiques
Aucun lac au monde ne contient autant d'espèces endémiques, végétales et animales, que le Baïkal. C'est la conséquence de l'ancienneté du lac. Au cours des millions d'années de son existence, les espèces qui le peuplaient ont développé des caractères spécifiques. Aujourd'hui, on y dénombre plus de 3 500 espèces et sous-espèces endémiques, dont près de 2 500 animales.
Quelques exemples :
- la golomianka , dont le nom vient du mot russe signifiant nu, parce qu'elle n'a pas d'écailles, poisson sans arêtes, vivipare
- les éponges bleues , découvertes par les bathyscaphes Mir en 2008,
- les minuscules Epischura baikalensis, ou crevettes du Baïkal, qui constituent l'essentiel du plancton du lac, précieux organismes filtreurs,
- l'omoul, poisson le plus apprécié, proche de la féra des lacs alpins, espèce néo-endémique, c'est-à-dire venue d'un autre milieu, en l'occurence, l'Océan glacial arctique et ayant évolué dans le Baïkal qu'elle a rejoint par l'Ienisséi et l'Angara.
- la nierpa, également né-endémique, emblème du Baïkal
Dans le domaine végétal, on retiendra l'astragale d'Olkhone, implantée sur une étroite zone sablonneuse, discontinue et n'excédant pas 18 km de longueur, de la côte occidentale de l'île.
- à gauche la grande golomianka (22cm) dont la tête constitue près du quart du corps
- à droite la petite golomianka (12cm) aux nageoires pectorales très développées.
Golomankia, © Institut de limnologie
Eponge bleue, © Institut de limnologie
Omouls séchés en vente sur
le marché de Listvianka.
© C. Dobignard
Nierpas au sud de l'île d'Olkone, © I. Muzyka
Astragalus alchanensis
© N. Stepanova 2016
Le lac le plus transparent et le plus pur du monde
La transparence n'est pas une donnée subjective, mais se mesure de manière scientifique, par le disque de Secchi. Celle du lac d'Annecy, réputé pour sa limpidité, est de 14 m, celle du Baïkal atteint 42 mètres. Elle s'explique par sa forte oxygénation, sa faible minéralisation et le bas niveau des substances organiques qu'il contient.
L'importance
de l'oxygénation vient du fait qu'il est dimictique, c'est-à-dire que
ses eaux se mélangent deux fois par an. Propre aux lacs des climats
continentaux rudes, cette caractéristique a pour résultat de faire
descendre deux fois par an, les eaux de surface, riches en oxygène et
donc d'oxygéner le lac en profondeur.
L'affirmation
selon laquelle le Baïkal détient le record mondial de pureté surprend,
tant est répandue l'idée que le lac est gravement pollué. Nous n'éludons
pas cette question : une page lui est dédiée dan notre site. Disons,
ici, que l'eau du Baïkal, puisée à 500 m de profondeur et à 500 m du
rivage au large de la petite ville de Listvianka, est mise en bouteille,
sans qu'il soit besoin de la filtrer.
Un lac pris par la banquise pendant près de cinq mois.
Si l'on s'en tient à la situation latitudinale du lac, plus au sud que le Loch Ness, qui, lui, ne gèle jamais, on ne peut expliquer ce long et total englacement sur 0,70 cm d'épaisseur au sud et jusqu'à 1,20 m au nord. C'est la position longitudinale qui fait la différence. Se trouvant 100° plus à l'est que le lac écossais, le lac Baïkal est dans la zone du climat continental à hivers longs et rigoureux.
La banquise ne se forme pas du jour au lendemain. En novembre, tandis que l'eau qui ruisselle sur les falaises où se brisent les vagues les enrobe d'une carapace de glace et forme de pittoresques grottes, les rives commencent à se figer et, au large, apparaissent des radeaux de glace. En décembre, de plus en plus nombreux, ces radeaux se heurtent constamment, leurs bords s'épaississent ; ils forment les blintchaty liod, littéralement, des crêpes de glace. À partir de janvier, ces crêpes commencent à se souder, mais la surface de glace se brise et se ressoude, au gré de l'alternance des périodes d'agitation et de calme du lac. A la fin du mois, le lac est entièrement pris par la glace.
Blinchaty liod, © I. Muzyka
De loin, la banquise apparaît comme une surface d’une blancheur éclatante, parfaitement lisse, voie de communication fréquentée. Mais il suffit de la parcourir sur quelques centaines de mètres pour constater qu’il n’en est rien. Des étendues chaotiques alternent avec des surfaces lisses et transparentes comme du verre, de redoutables crevasses (stanovyé chtchéli), des barrières de glace (torossy), voire, des amoncellements de plusieurs mètres de hauteur (nadvigui lda), tandis que les rives escarpées sont recouvertes d’une carapace de glace où se forment de spectaculaires grottes. La banquise présente aussi des zones, où la glace est mince, voire absente, appelées polynies.
Il n'est donc pas étonnant que la circulation soit strictement réglementée sur le trajet, très fréquenté, reliant l'île d'Olkhone au continent.
Stanovyé chtchéli, © I. Muzyka
Danger des stanovyé chtchéli, © G. Gorchenina
Sur le Baïkal comme sur nos montagnes,les crevasses, quand elles sont masquées par de la neige, ne sont pas toujours décelables.
Route balisée sur la glace, © I. Musyka
Nadvigui Ida, © I. Musyka
Grotte de glace, © A. Khelifa
Une surface apparemment parfaitement lisse. La banquise au niveau de la Petite Mer
© Ph. Guichardaz