La première remarque fut la déception du grand public russe. La coopération internationale fonctionne mal (deux milliards de dollars d'investissements étrangers par an, quand la Chine en reçoit 46), par manque de confiance dans ce pays, vu son instabilité politique. La Russie bouge, certes, mais n'a plus ni Etat ni marché. Et elle souffre toujours du fardeau de ses dimensions. Un peu d'histoire nous est nécessaire pour comprendre la transformation, inédite, dont elle est le théâtre.D'où vient la Russie? Le système économique soviétique a des fondements simples : prix administrés, planification centrale, propriété collective des moyens de production, gestion centralisée par l'Etat. Mais l'essentiel de l'économie, complexe, échappait à l'Etat, de plus en plus (réseaux, amis, approvisionnements parallèles). La pérestroïka et la libération de l'épargne forcée ont entraîné l'importation de biens occidentaux, une fièvre inflationiste. et la glasnost, instaurant des débats partout, à tous les niveaux, a entraîné la fin de l'URSS. Etat des lieux (depuis 1991). La crise politique et sociale, l'inflation, le manque d'épargne causent ou accompagnent une crise morale, une crise d'identité. Il faut dire que le changement de régime a été violent : les gradualistes ont été balayés par les tenants d'une thérapie de choc. Et les dirigeants n'ont pas changé d'attitude, voulant passer d'une certitude à une autre : du PLAN au MARCHÉ. D'où un programme de privatisations sans précédent (en trompe-l'œil, car les entreprises n'ont pas été restructurées) la libération soudaine des prix de gros, du commerce extérieur, une politique monétaire et budgétaire restrictive, pour tenter de stabiliser. Le travail psychologique, de formation, d'approche, n'a pas été fait. Certains groupes industriels et financiers ont racheté à bas prix les bons distribués à chaque Russe et, aujourd'hui, l'industrie russe est une des plus concentrées du monde. Cette politique, le manque de cadre légal, la non-prise en charge des agents économiques n'ont pas permis l'émergence d'un marché. D'où la baisse de la production, des paiements, de l'espérance de vie, de l'état sanitaire, les désillusions des relations avec l'Occident les incuries précédentes menaient à une impasse. L'explosion prévue n'a pourtant pas eu lieu, grâce à divers facteurs. Le potentiel humain, d'abord (quoique l'hémorragie des cerveaux prenne des proportions alarmantes). La réactivité de certains ressorts professionnels (par endroits, se sont créées des PME, qui ont joué le rôle de soupape). La chute du rouble, freinant les importations, entraînant une reprise du marché local, au moins agro-alimentaire. Le passage de Primakov, qui a lancé un début d'assainissement de l'industrie, indiqué des priorités. La hausse conjoncturelle du prix des hydrocarbures, bien venue dans ce contexte. La Russie a donc relativement bien tenu le coup, Il lui faut aussi gérer la dette. La dette intérieure (salaires et retraités non payés) accuse un petit mieux. La dette extérieure (environ 150 milliards de dollars) entraîne un remboursement démesuré par rapport au budget. Elles est impérativement à rééchelonner, tout en sachant que la puissance du pays suffirait si l'hémorragie de capitaux s'arrêtait (de 2 à 10 milliards par mois!). Perspectives. En cette période de complexification pour le monde entier (globalisation, mondialisation) les questions se multiplient, pas les réponses toutes faites. Restaurer l'Etat, et sa crédibilité, ce qui est d'abord une affaire de dialogue. Le pouvoir d'Etat a toujours été extérieur à la société civile, il n'en provient pas. Etablir un dialogue entre les citoyens et l'Etat (créer des relais, des institutions, des mécanismes), entre les régions et l'Etat, les Régions entre elles. Refonder une politique sociale et industrielle, pragmatique, par région. Le degré d'intervention de l'Etat pour accompagner une transformation souhaitée ne peut être défini que dans le contexte, cas par cas. Améliorer la coopération internationale (et non l'assistance technique, selon un modèle purement occidental). Les problèmes sont nombreux, rien que pour fixer les objectifs.

Biographie :

Eric Brunat

Notes de synthèse de Michel Minine :

INFO :