Baïkal, une découverte tardive, inachevée!
Si les Chinois connaissent le Baïkal depuis l'Antiquité - un texte chinois datant de 118 av.J.C., attesté par un ambassadeur russe à la cour de Pékin au 19e siècle, malheureusement introuvable aujourd'hui, mentionne le Baïkal, sous le nom de Baï-Khaï, c'est- à-dire Mer du Nord - il n'en est pas de même des Européens, qui ne découvrent ce lac s'étirant sur plus de 600 km et vaste comme la Belgique qu'en 1643, soit un siècle et demi après l'Amérique ! Christophe Colomb cherchait des épices. Ce sont les fourrures qui intéressent le petit groupe de cavaliers cosaques dirigé par Kourbat Ivanov. Et ce seront les Cosaques, qui intégreront l'immense Sibérie à l'empire des tsars.
Tchantchour, monument à la mémoire
de Kourbat Ivanov,
© Irkipedia
L'étude scientifique du Baïkal commence au tout début du 18e siècle, avec la première représentation cartographique du lac, réalisée sur l'ordre de Pierre le Grand par Semion Remezov (1701). Signe de l'impression produite par le Baïkal sur ses contemporains, il y figure sous le nom de mer (mоrié en russe). Il faut attendre le dernier tiers du siècle (1768-1773) pour qu'une expédition scientifique, à l'initiative de la jeune Académie des Sciences de la Russie impériale, entreprenne la première exploration systématique du lac. Elle est conduite par deux savants allemands, Johann Gottlieb Georgi et Peter Simon Pallas. Les exilés polonais vont jouer un rôle considérable dans les progrès de la connaissance du lac : on leur doit la révélation de l'importance de l'endémisme (1870, Dybosky), l'hypothèse de l'origine tectonique du lac, l'explication de la présence de phoques au coeur du continent eurasiatique (Ivan Tcherski).
Carte du Baïkal par I. Remezov
© Musée de Taltsy
Timbre biélorusse à l'éfigie d'Ivan Tcherski
À la veille de la Révolution bolchevique, en 1916, est créée la première institution permanente vouée exclusivement à l'étude du Baïkal, la Commission pour l'étude du lac Baïkal, à laquelle succède la Station de limnologie du Baïkal, installée à Listvianka, à proximité de la source de l'Angara. Son directeur, Gleb Verechtchaguine (1889-1944) y conduira des travaux d'une importance telle qu'il est considéré comme le successeur de l'inventeur de la limnologie, le Suisse F.A. Forel.
En 1961 la Station de limnologie devient l'Institut limnologique, rattaché au Département sibérien de l'Académie des Sciences de l'URSS. Sous la direction de Grigori Galazi, elle dispose alors de moyens humains, financiers et techniques considérables, s'apparentant à ceux de l'océanographie.
Gleb Véréchtchaguine
© Irkipeda
En France, la Sibérie en général et le Baïkal en particulier, restent en plein Siècle des Lumières, une zone d'ombre. Dans le premier cours de géographie sur la Russie, professé le 13 floréal de l'an III (2 mai 1795) par Mentelle à l'Ecole Normale, peu après qu'aient été publiés, en français, Voyages de M.P.S.Pallas en différentes provinces de l'Empire de Russie et dans l'Asie septentrionale, 1788-1793, le lac Baïkal, est juste cité et Mentelle ne note rien de particulier à son sujet.
En 1993, l'Institut de limnologie est transféré à Irkoutsk dans le quartier des institutions scientifiques, Akademgorodok - littéralement la ville des académiciens. Le bâtiment de Listvianka, transformé en musée, est devenu un remarquable et moderne instrument de diffusion de la connaissance du Baïkal. Quant à l'Institut, doté d'importants moyens, disposant d'engins de plongée de haute technologie, peuplé de jeunes chercheurs enthousiastes, bénéficiant désormais des liens noués avec les chercheurs étrangers, il fait preuve d'un grand dynamisme.
Mir s'apprête à effectuer une plongée
© Institut de limnologie
Le temps des découvertes n'est pas fini.
- En juillet 2009, puis en juillet 2010, les sous-marins de poche Mir ont repéré - cas unique en eau
douce - des gisements d'hydrates de gaz dans la partie méridionale du lac et ont réussi à en remonter des fragments à la surface.
- Depuis la fin des années 1990, des clichés satellitaires ont révélé l'apparition, au printemps, de grands cercles sombres dans les parties centrale et orientale du lac. Ils n'apparaissent pas chaque année - 6 fois entre les années 2003 et 2014 - la dernière fois étant au printemps 2016, mais sont toujours localisés dans les mêmes régions.
Prélèvement d'hydrate de gaz par le bathyscaphe Mir
© Archives Musée du Baïkal
Ces anneaux, d'un diamètre de 6 à 8 m, sont une conséquence d'un volcanisme sous-lacustre
se manifestant par l'émission de gaz - volcanisme qui, lui-même
constitue une autre découverte récente. L'émission de gaz crée un flux
d'eau chaude qui monte à la surface. L'influence de la rotation de la
terre donne à ce courant vertical un mouvement tourbillonnaire. L'eau
chaude s'accumulant à la périphérie provoque une fusion de la glace :
gorgée d'eau, elle est plus sombre et dessine ces « mystérieux cercles
géants », comme les nomment les médias. La cartographie de ces volcans a
commencé, mais leur nombre total n'est pas encore connu !
Structure annulaire photographiée par la NASA © Irkipedia
Carte des volcans sous-lacustres de l'avant-delta de la Sélenga d'après une carte de l'Institut de limnologie.
L'île d'Olkhone