Au coeur du Baïkal, dans tous les sens du terme, Olkhone est soumise, depuis peu, au déferlement d'une vague touristique. Le problème de la préservatioon d'espaces naturels exceptionnels se pose avec une acuité particulière dans cette île de 71.5 km de long sur 15 km de large, partie intégrante du projet de géoparc du Baïkal.
Plage de Koujir; © C. Dobignard
Une structure géologique violemment contrastée, un climat très ensoleillé, des paysages d'une grande variété.
L'île, bloc exhaussé du rift du Baïkal, culminant à 1 276 m, est bordée à l'est par le point le plus profond du lac, 1 637 m.
En fait, la dénivellation entre les deux compartiments dépasse 8 000 mètres, car le plancher du compartiment affaissé est recouvert de près de 6 000 mètres de sédiments.
Olkhone jouit d'un micro-climat, particulièrement ensoleillé (317 jours de soleil par an) et présente des paysages allant de la plage de sable fin, bordée de pins, évoquant la Méditerranée, à la steppe de type mongol, parcourue de troupeaux de chevaux en liberté, aux champs d'édelweiss ou de rhododendrons et aux falaises abruptes recouvertes de ces lichens orangés caractéristiques des régions polaires.
Ces lichens orangés, Xanthoria parietina, typiques de la toundra, recouvrent, sur ce cliché les rochers dits "Les trois frères" sur la côte occidentale de l'île. © P. Guichardaz
Rhododendrons, edelweiss, anémones... © P. Guichardaz
Une île chargée d'histoire, aujourd'hui haut lieu du chamanisme.
La présence humaine y est attestée au néolithique. À la charnière de l'an 1000 av J.-C., l'île est habitée par les Kourykanes, considérés comme les ancêtres directs des Yakoutes et des Bouriates.
Au début du 13e siècle, Olkhone entre dans l'ère de la domination mongole. Ce sont des Bouriates qui la peuplent lorsque, le 14 septembre 1643, les cosaques de Kourbat Ivanov débarquent sur la côte occidentale.
Devenue russe, Olkhone reste bouriate par sa population et sa culture, imprégnée de chamanisme. Celui-ci a résisté, tant aux tentatives du pouvoir tsariste d'y substituer l'orthodoxie, qu'à celles du pouvoir soviétique de l'éradiquer comme survivance féodale et obscurantiste. Le cap Bourkhane, «Rocher-chamane» ou «Rocher-temple», est devenu un des plus célèbres sanctuaires chamaniques d'Asie. Chaque année, y sont organisées, depuis 2003, des taïlaganes, grandes prières collectives qui réunissent des chamanes de toute la Russie - mais aussi d'autres pays. Ces réunions sont ouvertes à toutes les confessions.
Mur Kourykanskaya © I. Musyka
Le cap Bourkhane © C. Dobignard
Croix commémorative.
© D. Vidali
Serguès, poteaux rituels chamaniques
© C. Dobignard
En terre chamanique, la croix orthodoxe de la Baie de sable (Boukhta Pestchanaya) témoigne d'une histoire tragique, l'implantation, à la fin des années 1930, d'une «colonie de réhabilitation par le travail», partie intégrante du système du Goulag, destinée à des condamnés à des peines de courte durée, employés à l'usine de traitement du poisson.
Si le chamanisme a résisté à tous les bouleversements historiques, il n'en est pas de même de la pêche, longtemps activité essentielle, devenue quasi exclusive à l'époque soviétique, aujourd'hui réduite à une activité individuelle, - sans débouché commercial – dans le but de préserver la ressource halieutique.
L'usine de poissons en sept. 2012
© Ph. Guichardaz
L'essor du tourisme et ses problèmes.
Le tourisme est un événement très récent à Olkkhone. Mais c'est un événement majeur, qui bouleverse la vie de l'île et pose des problèmes graves, dont la solution est urgente.
Le tourisme sur Olkhone est lié au nom de Nikita Bencharov. Ce Moscovite d'origine, ancien champion de ping-pong de Russie, venu en 1989, prendre un peu de repos sur cette île inconnue du grand public, dépourvue de toute infrastructure d'accueil, y a construit une auberge qui accueille les premiers touristes en 1994 et, un peu moins rustique qu'à l'origine, est aujourd'hui un lieu mythique, que toute personne débarquant sur l'île se doit de voir à défaut de figurer parmi les privilégiés qui peuvent y séjourner.
Une des maisons de l'auberge de Nikita Bencharov
© Ph. Guichardaz
L'afflux
des touristes a profondément modifié l'économie de l'île. Aujourd'hui,
la grande majorité des actifs participe directement ou indirectement à
leur accueil. Hôtels et chambres d'hôtes se multiplient. Signe de bonne
santé économique, la population d'Olkhone augmente. Mais l'île connaît
aussi la rançon du succès. La pression touristique s'exerce sur un
espace restreint et une nature que la faiblesse des précipitations rend
très fragile. Les sites les plus visités, tels que le rocher Bourkhane,
le cap Khoboï, souffrent du piétinement et de la circulation des quads
qui détruisent la végétation et accélèrent l'érosion. Les risques
d'incendie sont préoccupants dans la forêt. L'élimination des déchets
solides et le traitement des eaux usées est une des questions majeures.
Les déchets solides sont stockés en attendant d'être évacués sur le
continent. En 2016, une station d'épuration des eaux usées a été
installée près du village de Khoujir. Utilisant un procédé d'épuration
par bactéries, elle répond aux normes les plus rigoureuses. L'eau
traitée est rendue propre à la consommation. La direction du Parc
national aménage des itinéraires de randonnées pédestres, des zones de
camping et de pique-nique (mise à disposition de bois pour barbecue,
containers). Elle développe par ailleurs, avec le concours des
institutions universitaires, un programme pédagogique en direction des
enseignants et de leurs élèves, mais aussi des adultes, avec le concours
des associations écologiques et propose ses services pour
l'organisation d'excursions thématiques sur la flore ou la faune.
Tous les problèmes ne sont toutefois pas réglés. C'est le cas de
celui de la circulation des engins mécaniques et des automobiles.
Demeurent à l'état de projet l'interdiction de la circulation automobile
privée sur l'île, la création d'un parking de stockage des voitures sur
le continent et l'organisation de navettes reliant le débarcadère à
Khoujir. Olkhone doit relever le défi de la sauvegarde de
l'environnement dans une activité touristique en forte expansion.
Khoujir, vue d'ensemble,
en mai 2006.
© C. Dobignard
Baïkal en chiffres